C’est un ingrédient des plus symboliques du pain, paré de belles vertus mais aussi de nombreux mystères. Retour sur l’histoire du levain, fait de farine et d’eau, qui nous rappelle que le pain est un aliment… « vivant ».

Mélanger avec soin farine et eau, laisser reposer sous un linge. Observer, après une dizaine d’heures, l’apparition de quelques bulles. Puis « nourrir » à nouveau cette pâte de farine et d’eau mêlées et sentir, progressivement, l’odeur aigrelette qu’elle dégage. La laisser encore au repos. Et, au bout de quelques jours de soins attentifs, observer cette matière vivante - le levain - que l’on a créée et qui est désormais prête pour réaliser des pains.  

Faire son levain… Voici l’une des activités qui a eu le plus de succès, ce printemps, dans les foyers confinés. Portés par la vague du « fait maison », nombre de Français se sont laissé tenter et ont essayé de fabriquer leur propre pain et, avec lui, leur propre levain. C’est le cas d’Anthony et de sa compagne Florence, un couple résidant dans le Morbihan. « Il y avait quelque chose d’incroyable dans cette opération. En mélangeant simplement de la farine de blé ou de seigle et de l’eau, nous avons pu obtenir une matière qui s’animait et se développait… Comme un petit miracle ! », expliquent-ils.

Voir notre recette de pain à la farine de seigle

Recette de pain à la farine de seigle

 

Les origines égyptiennes du pain au levain

Tout est là : si le levain attire et intrigue à la fois, c’est qu’il semble être le fruit d’un « miracle ». Comment parvient-on, à partir d’ingrédients particulièrement simples mélangés dans un bol, à obtenir une matière vivante ? Le même questionnement a dû saisir les hommes et femmes qui ont, les premiers, découverts les propriétés de cette pâte. Étaient-ils Hébreux,  Babyloniens ou Egyptiens ? Plusieurs pistes historiques sont évoquées.

L’une d’elle, la plus répandue, voudrait que l’« invention » du pain au levain soit survenue entre 4000 et 5000 av. J.-C. sur les bords du Nil, quelques centaines d’années avant les premières dynasties de pharaons. De la pâte à pain sans levain aurait été oubliée et cette bouillie aurait fermentée. Finalement cuite, elle aurait permis d’obtenir le premier pain avec levain. Ainsi aurait débuté la formidable histoire du pain levé qui court jusqu’à nos jours et qui sera longtemps marqué par l’hégémonie du levain -la levure ne s’imposera dans les fournils qu’au fil du XXe siècle.

 

Comment se forme le levain ?

Pour comprendre le secret du levain, il faut donc s’intéresser à un processus naturel : la fermentation. Le mélange de farine et d’eau favorise le développement de micro-organismes. Cette culture de bactéries lactiques et de levures va permettre d’engager un phénomène fondamental : la transformation, en l’absence d’oxygène, du glucose en éthanol (alcool) et en dioxyde de carbone. Une transformation similaire à celle observée lors du passage du raisin en vin ou du moût en bière. Dans le cas du pain, le gaz va jouer un rôle clé : il permet aux alvéoles présentes dans la pâte de grossir et au pain de prendre progressivement son volume. 

Lire notre article sur la fermentation des céréales

 

Une pâte vivante riche en symboles

Si la chimie des aliments permet aujourd’hui de comprendre aisément la magie du levain, la fermentation n’a pas été expliquée scientifiquement jusqu’au XVIIIe siècle. Un mystère qui n’a fait que renforcer sa dimension symbolique. Le levain a été perçu au fil des siècles comme la représentation du cycle de la vie, de l’éternel recommencement, illustration symbolique de la fécondité. Le levain a logiquement pris, en conséquence, une place importance dans les représentations religieuses -à l’instar du pain. Il sera même objet de conflit au sein du monde chrétien. Parmi les nombreux désaccords qui poussent les Eglises byzantines (orthodoxes) et romaines (catholiques) à se séparer lors du schisme d’Orient de 1054, figure ainsi la place du levain dans la liturgie. Pour les premières, c’est un pain levé qui doit être présenté lors de l’eucharistie, les secondes lui préférant un pain azyme (étymologiquement : sans levain).

 

Quels sont les bienfaits du pain au levain ?

Bienfait du pain au levain

Le mystère de la fermentation est aujourd’hui levé, mais la symbolique du levain n’en reste pas moins forte, tout comme la curiosité à l’égard de cette « matière vivante ». Le pain au levain suscite d’ailleurs ces dernières années un intérêt croissant de la part des consommateurs. Un intérêt renforcé par ses nombreux atouts, comme sa plus longue conservation, mais aussi ses intéressantes propriétés nutritionnelles. Le levain dégrade en effet l’acide phytique présent dans les céréales qui, d’ordinaire, freine l’assimilation des minéraux par l’organisme. De quoi garantir, aux adeptes de ce pain, un meilleur apport en fer, zinc et magnésium.