Les bourriols sont une spécialité du Cantal à base de sarrasin. Elles constituaient autrefois une bonne part de l’alimentation des paysans.

C'est un signe qui ne trompe pas. Dans les champs bretons, ces dernières années, il est de plus en plus fréquent de voir des étendues de fleurs blanches lorsqu'arrive l'été. Oh, bien sûr, leur présence reste encore discrète. Mais progressivement, par petites touches, elles s'intègrent années après années au paysage, symbolisant le retour des cultures de sarrasin dans la région. Mieux : elles reviennent avec une nouvelle image, éminemment positive, tout en conservant une histoire et un imaginaire riches en symboles.

Plants de sarrasin en fleurs

Qu'évoque le sarrasin ? Pour beaucoup, il renvoie immanquablement à l'odeur de la galette arrivant toute chaude dans les assiettes des crêperies bretonnes. Un élément fort du patrimoine régional que des cultivateurs et des meuniers entendent aujourd'hui pleinement développer, en relançant la culture de cette « vraie fausse » céréale (intégrée à la classification des céréales et possédant des qualités nutritionnelles proches du blé, elle appartient en réalité à la famille de la rhubarbe et de l'oseille). C'est ainsi qu'est née notamment l’association Blé Noir Tradition Bretagne qui œuvre au développement de sa culture. Des efforts payants : la farine de blé noir de Bretagne (de couleur sombre, d'où son nom) a obtenu une indication géographique protégée (IGP) en 2010. Le but des défenseurs du sarrasin breton étant bien de promouvoir une production en circuit court, alors qu'aujourd'hui, environ 70 % du sarrasin consommé en France est importé, en premier lieu de Chine.

La Chine, justement. C'est de cette partie du monde que tout est parti. La domestication de ce végétal en Asie remonterait au IIIe millénaire avant J.-C. Il entame alors une migration progressive vers l'Ouest, au rythme des déplacements de populations et des conflits. C'est finalement entre le XIIIe et le XVe qu'il s'impose en France.

Changement d'image

La Bretagne devient rapidement l'une de ses terres d'attache principales. La raison est simple : la plante permet une valorisation optimale des sols acides et pauvres. Elle s'impose alors, pour plusieurs siècles, comme une plante essentielle, permettant à de nombreux paysans de survivre malgré les aléas.

Sa culture se développe au fil des siècles en France, représentant pas moins de 750 000 ha en 1862. Ce sera alors son point culminant, et le début d'une lente décrue.

Son renouveau débute timidement dans les années 90, alors que l'Hexagone ne compte que très peu d'exploitations cultivant le blé noir. Depuis 2000, une filière tente à nouveau de tracer son chemin avec, désormais, une image de « qualité ». Elle se développe principalement en Bretagne, avec aujourd'hui 3 500 à 5 000 ha (sur les 5 000 à 10 000 qui seraient cultivés en France). Elle est portée tout à la fois par la symbolique régionale et la montée en puissance des circuits courts. Le sarrasin est également redécouvert pour ses propriétés nutritionnelles, au point de compter désormais parmi les céréales « tendances » portées par la vogue du « bien manger ». Ce faisant, il opère un changement d'image des plus radical ! Ludovic Pouzelgues, le Chef du Lulu Rouget à Nantes, réalise des créations originales avec du sarrasin (voir la vidéo).

Whisky et pâte à pizzas

De quoi permettre à la production locale de partir à la conquête de nouveaux territoires culinaires. Si, en Bretagne, le blé noir se déguste principalement sous forme de crêpes et de galettes, d'autres débouchés émergent. C'est le cas de la bière mais également du whisky qui disposent de productions locales à partir de sarrasin. C'est également le cas du secteur de la boulangerie-pâtisserie : des artisans s'essaient aujourd'hui, à travers la France, au travail d'une pâte mariant le sarrasin et d'autres céréales. C'est le cas notamment de Sébastien Chambru qui l'utilise pour la fabrication de gnocchis sarrasin-maïs.

Voir la vidéo de la recette de gnocchis sarrsin-maïs

Gâteaux, pizzas mais aussi miel... Le blé noir connaît une nouvelle jeunesse. Un renouveau qui ne va pas sans un retour en vogue de mets traditionnels, bien au-delà des seules terres bretonnes. Dans le Cantal, les galettes d'origine paysanne, les bourriols, sont célébrées chaque année à Boisset, début octobre, à l'occasion de la fête du sarrasin. Elles résultent du mariage, lors de la préparation, des farines de blé noir et de froment, et sont traditionnellement réalisées avec du petit lait. Non loin, dans la région de Limoges, ce sont les galétous (elles aussi ont longtemps fait office de pain) qu'on se plaît aujourd'hui à redécouvrir, comme base lors des apéritifs ou en dessert. En Corrèze, on parle de tourtous. Enfin, en Savoie, le sarrasin évoque immanquablement  préparation traditionnelle des crozets, petites pâtes carrés qui comptent parmi les fiertés de la région.

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