Virginie Charreau, ingénieur et diététicienne nutritionniste; François Bellan, boulanger et directeur techique Festival des pains; Marc de Ferrière Le Vayer, professeur d'histoire à l'université de Tours et Président de l'IEHCA; Paul-Henri Doublier, agriculteur délégué Passion Céréales en région Centre; Philippe Du Janerand, comédien.

Le 21 novembre dernier, dans le cadre des Rencontres François Rabelais organisées par l’IEHCA à l'Université de Tours, s'est tenu le "Voyage dans l'imaginaire des céréales en région Centre". Sept personnalités d'exception ont partagé avec le public leur imaginaire des céréales et des produits céréaliers. Pour les absents et pour ceux qui veulent revivre ce moment, voici une brève synthèse de ces échanges ainsi que les photos des moments forts de la soirée.

 

Les céréales, ces parfums d'enfance

Jean Ferrat l'assurait au détour d'un refrain : « Nul ne guérit de son enfance ». Le poète a (toujours) raison, c'est en effet la « maladie » la mieux partagée à l'âge adulte. Prenez les céréales. Ecoutez ces personnes parler de leur métier, de leur passion. Elle est là, cette « maladie » qui donne le sourire à ceux qui l'évoque, qui les ramène à des souvenirs, des odeurs, des sensations, et qui convoque une nostalgie heureuse, bercée par mille Madeleines de Proust.

Le voyage dans l'imaginaire des céréales proposé par Passion Céréales à Tours, fin novembre, en a donné la preuve. Il a été ainsi avant tout un cheminement vers cette enfance qui ne nous quitte jamais vraiment. Celle de Paul-Henri Doublier par exemple. L'agriculteur a trente-cinq récoltes à son actif, mais c'est toujours avec une émotion intacte qu'il évoque cette enfance où, déjà, il ressentait « l'appel de la terre ». Il se souvient de ces lundis matins, dans la voitures familiale, où en allant à l'internat, il « regardait, le nez collé à la vitre, où en étaient les champs ». Lui reviennent alors ces conduites du tracteur avant l'âge, les premiers travaux agricoles auxquels il participait... « J'étais impatient d'être en été ! »

L'été... C'est un peu la saison des souvenirs. Comme le note l'historien Marc de Ferrière Le Vayer, « Les gens savent que les grandes vacances arrivent grâce à deux événements : le Tour de France et les moissons. Les céréales rythment ainsi notre année. » Ce n'est pas le comédien Philippe du Janerand qui dira le contraire. L'évocation des céréales le porte lui aussi vers l'enfance et ces petits chemins de campagne où la voiture familiale faisait une pause, l'été venu. « Je me souviens que mon père me montrait qu'un épi de blé pouvait se désagréger en petits grains... En les mettant en boule, ils s'humidifiaient et il me disait : ''C'est presque du chewing-gum''. » Goût que l'acteur a toujours en bouche aujourd'hui : « J'ai encore en mémoire cette sorte de bouillie qui me faisait effectivement ressembler à un James Dean aux petits pieds. »

La Madeleine d'Olivier Arlot, c'est le pain. Ce pain qui évoque au chef étoilé du restaurant La Chancelière, à Montbazon, une recette chère à son père, le poulet... au pain. Cette volaille recouverte d'une croûte de pain est, pour lui, riche en sensations. Des « odeurs », « un goût du souvenir » qui fait « saliver » et qui le marque aujourd'hui encore. Il en est de même des odeurs venues tout droit du fournil de son père, qui était cuisinier amateur mais aussi et surtout boulanger professionnel. « C'est un véritable voyage dans mon enfance, notamment à travers l'odeur de la farine au moment où le pain cuit était sorti », se remémore-t-il.

Présent dans l'esprit des intervenants d'un soir, à Tours, cet imaginaire autour des céréales l'est aussi chez nombre de Français. Le président de la Région Centre, François Bonneau, l'a noté : « Cet imaginaire est convoqué quand une société est en quête de sens et de valeurs. Des valeurs que beaucoup retrouvent justement dans les produits que nous consommons et qui sont issus de la terre. » Les produits céréaliers, porteurs d'imaginaire ? Virginie Charreau en est, elle aussi, persuadée. Diététicienne nutritionniste, elle observe quotidiennement les rapports que ses patients entretiennent avec ces aliments. Pour eux, bien souvent, « il faut se priver de pain, de pâtes ou riz lorsqu'on souhaite faire un régime, alors que cela se révèle inexact », indique-t-elle.

Éduquer les consommateurs apparaît donc primordial. En commençant par les plus jeunes, pour qu'ils découvrent toute la richesse des céréales. Pour qu'ils perçoivent aussi, au fil des ans, ces fameuses valeurs qui leur sont attachées. Mais également pour qu'ils développent un imaginaire qui les accompagnera toute leur vie durant. Boulanger et directeur technique chez Festival des pains, François Bellan s'y emploie. Quand il a l'occasion d'initier les jeunes générations à l'univers de la boulangerie, il ne manque pas de mettre leurs sens en éveil : « Lorsque je sors le pain du four, un choc thermique a lieu. C'est le moment où je demande aux enfants d'écouter le pain qui chante ! » Peut être garderont-ils, adultes, cette petite musique en tête. Un peu comme François Bellan conserve, lui aussi, de jolis souvenirs d'enfance, faits de « touchers de pâtes » et d' « odeurs » ressenties à proximité du fournil. Il était alors l'élève, face à son père boulanger lui apprenant avec passion la technique mais aussi l'âme d'un métier qui devait ne jamais le quitter.