Désherber, tous les agriculteurs le font, quelle que soit la technique utilisée. C’est du temps, du matériel, des dépenses notamment. La raison du désherbage des céréales n’est donc pas simplement esthétique ! Que reproche-t-on aux adventices, plus communément appelé mauvaises herbes car elles ne correspondent pas à la production souhaitée, et pourquoi les agriculteurs désherbent-ils leurs champs de céréales ?
Depuis des siècles, l’agriculture consiste au fait de cultiver une espèce végétale que l’on sème afin d’en récolter le fruit ou la graine pour nourrir les Hommes et les animaux. Pour l’agriculteur, c’est un investissement dès la première graine semée pour obtenir une moisson de qualité. Du semis à la récolte, les agriculteurs interviennent à plusieurs reprises dans leurs champs de céréales, notamment pour désherber, au même titre que le jardinier prépare et entretient son jardin à la belle saison. Cela consiste à éliminer les plantes sauvages ou spontanées qui poussent en même temps que la culture semée.
Ce qu’on reproche aux adventices, c’est de rentrer en concurrence directe avec les céréales sur des éléments essentiels à une bonne croissance végétale. Ces éléments sont l’eau, les nutriments, l’espace et la lumière. En effet, lorsque l’agriculteur prépare son sol pour semer du blé, il met aussi en bonne condition la germination des graines de mauvaises herbes déjà présentes dans le sol. Le blé va lever et les adventices du blé de la même famille aussi ! On voit ainsi, des jeunes pousses de ray-grass, vulpin, brome (qui sont des Poacées comme le blé) germer et avoir les mêmes besoins que le blé au même moment. Là commence alors la compétition pour se partager l’espace, l’eau du sol, les nutriments essentiels (tels que l’azote, le phosphore ou le potassium) et aussi la lumière pour faire de la photosynthèse par les feuilles. Cette concurrence qui s’installe entre les mauvaises herbes et la céréale peut impacter le rendement, avec des pertes pouvant aller de 5% à 30 % par rapport à une récolte habituelle.
Adventices ray-grass dont la croissance a dépassé la hauteur du blé tendre - Passion Céréales
Tout agriculteur sait que pour désherber efficacement, il faut être assidu et régulier dans le temps. La nature est pleine de ressources et comme toute vie sur terre, les mauvaises herbes vont chercher à se reproduire. Et pas qu’un peu ! En effet, un pied d’adventice peut donner entre 100 et 10 000 graines en moyenne. Le grand gagnant étant le coquelicot : entre 20 000 et 130 000 graines par pied ! La longévité des graines a aussi son importance car certaines peuvent rester dans le sol sans mourir entre 10 et 30 ans (voire 80 ans) et ne germer que des années plus tard. Une expérience a montré qu’un champ qui comptait 15 pieds de vulpins/m², atteignait au bout de 4 ans presque 500 pieds/m², rien qu’avec le stock de graines déjà présent dans le sol qui se réveille chaque année (les graines de vulpins vivant environ 15 ans). C’est pourquoi, sans action de l’agriculteur, le champ de céréales peut vite être envahi de mauvaises herbes d’une année à l’autre. C’est ce que les agriculteurs appellent le salissement et qu’ils tentent de maintenir à un niveau acceptable, pour ne pas se laisser déborder.
Le désherbage a un rôle sanitaire dans les champs de céréales comme pour d’autres cultures. En effet, en laissant foisonner des adventices, le milieu devient favorable au développement de champignons responsables de maladies sur les céréales. Dans un premier temps, cela impacte la qualité des grains récoltés (plus petits, moins remplis…). Mais cela peut présenter un risque de toxicité pour l’Homme. C’est notamment l’exemple de l’ergot, un champignon des céréales qui contient des toxines néfastes si nous les ingérons (maladie de l’ergotisme). Son développement augmente avec la présence d’adventices car il y trouve un formidable terrain pour se reproduire et infester ensuite les grains sur les épis.
D’autres adventices produisent des graines toxiques pour l’Homme ou les animaux d’élevage. Il y a par exemple la morelle noire dont les fruits en forme de boules peuvent être récoltées en même temps que les pois ou que l’ensilage de maïs. Cela implique une difficulté de tri pour les conserves ou des problèmes de toxicité pour les bovins. Pour d’autres adventices, ce sont les feuilles ou le pollen qui causent des problèmes sanitaires comme le Datura ou l’Amarante toxiques pour les bovins si on en retrouve dans l’ensilage de maïs, ou l’Ambroisie dont le pollen est fortement allergène pour les Hommes.
La reconnaissance des adventices est essentielle pour l’agriculteur. En effet, selon la céréale cultivée l’adventice peut l’être dans un champ de blé et absolument pas dans un champ de maïs ! De même entre une plante annuelle (qui vit et meurt la même année) et une vivace (qui persiste plusieurs années), la stratégie n’est pas la même. Et encore moins entre une adventice de la famille des Poacées (qui font des épis comme les céréales) et des Dicotylédones (qui font des fleurs). Il est donc indispensable pour l’agriculteur de savoir les reconnaître, surtout quand elles sont encore toutes petites, pour agir si besoin avant qu’elles ne se multiplient.
Quant à la technique, celles-ci sont aujourd’hui diversifiées. Le désherbage des céréales est efficace lorsqu’il est adapté à la mauvaise herbe. Une grande partie du travail de l’agriculteur passe par l’observation de cette flore et la prévention. L’agriculteur dispose de plusieurs leviers pour limiter le nombre d’adventices :
Présentation d'un robot enjambeur de désherbage mécanique de maïs (Salon International de l'Agriculture 2017 Ferme de l'Odyssée Végétale) - Sebastien d'Halloy pour Passion Céréales
Alors pour éviter qu’un champ de céréales ne devienne une friche naturelle au bout de quelques années, le désherbage est nécessaire pour un agriculteur qui souhaite moissonner.