Connaissez-vous l'Excentrique ? C'est une bière unique en son genre, dotée d'un étonnant goût salé.

Pour la produire, ses créateurs sont allés, selon leurs dires, « déterrer un vieux style allemand nommé Gose ». Le breuvage a été réalisé avec une fermentation mixte (lactique puis alcoolique), brassé avec de l'eau légèrement salée (au sel de Guérande) et aromatisé avec des grains de coriandre. « Cela donne donc une bière salée, avec un peu d'acidité, se réjouit Romain Biscan, à la tête de la brasserie, L'excuse, dans le Gers. Et elle a un goût très "raisin blanc"' ». Avec une telle production, le brasseur a atteint son but : réaliser une bière sortant des sentiers battus et standardisés. Il a aussi mis en application l'une de ses priorités : s'ouvrir à des collaborations avec d'autres passionnés de bière. C'est donc avec l'aide de la brasserie Joli Rouge, basée dans le Tarn-et-Garonne, que cette création a vu le jour.

Une création par définition unique : il s'agit là d'une bière éphémère, un « one shot » qui devra permettre d'accompagner les amateurs de bière vers de nouvelles aventures sensorielles grâce à une boisson inédite, fruit de l'imagination de brasseurs passionnés. Le phénomène est en pleine expansion aujourd'hui et symbolise à lui seul le vent de nouveauté qui souffle sur le secteur des brasseries. Un secteur qui connaît une expansion considérable, avec la création de nombreuses micro-brasseries à travers l'Hexagone. Lancée aux Etats-Unis et au Canada dans les années 80, cette vague a atteint la France où de nombreux passionnés se sont lancés à la tête d'un établissement, tout particulièrement depuis le début des années 2000. Le pays compte aujourd'hui 900 établissements, un chiffre qui a doublé en cinq ans.

Dans un cercle vertueux, cette croissance numéraire est allée de pair avec un retour en vogue de la bière, et une soif de découverte des consommateurs. Cela tombe bien : les nouveaux brasseurs se vivent aujourd'hui bien souvent comme l'égal des cuisiniers (« La bière se réinvente aujourd'hui comme la cuisine a su le faire par le passé », résume d'ailleurs Romain Biscan), des créateurs qui se fixent pour mission d'ouvrir des champs exploratoires pour apporter dans les verres de nouvelles saveurs.

Vodka et guarana

C'est là où les bières éphémères prennent tout leur sens. « Les gens deviennent curieux, ils boivent aujourd'hui la bière comme on buvait jusqu'alors un vin. Les bières éphémères permettent de répondre à cette demande, ils aiment bien ce côté ''découverte'' qu'on leur propose », explique Maxime Penot, responsable de la boutique d'une brasserie nichée en plein cœur de Paris, Bapbap. A côté de sa gamme habituelle, l'établissement met donc régulièrement en vente des productions originales. Elles sont le plus souvent créées à l'occasion d'un événement. En juin 2016, pour la Coupe d'Europe de football organisée en France, l'établissement a ainsi créé la Lucarne, « avec des ingrédients 100 % français. »

En Bretagne, la brasserie finistérienne Britt propose elle aussi des bières à durée déterminée. « Nos clients aiment bien ça ! », confirme Vincent Gatel. Après un breuvage dédié aux Jeux olympiques de Sotchi (Russie), réalisé avec de la vodka, l'année 2014 a également été marquée par une autre création : la Britt do Brasil, référence à la Coupe du monde de football et aromatisée au guarana.

Grâce à ces boissons innovantes, les établissements peuvent, tout à la fois, laisser s'exprimer leur imaginaire brassicole, et réaliser autour de leur marque une opération de communication appréciable pour leur santé économique. Et en la matière, la période de Noël constitue aujourd'hui un temps fort.

Le retour en force de la bière de Noël

La sortie de la bière de Noël apparaît en effet aujourd'hui comme un temps fort de l' « année brassicole ». Historiquement, elle est d'ailleurs la première de ces créations temporaires. C'était jadis la dernière bière, celle qui était réalisée avec les matières premières qui restaient, en fin d'année, au brasseur. « Elle était souvent offerte aux villageois ou à l'équipe de la brasserie, et elle exprimait son talent à faire une bonne bière avec les fonds de tiroir », explique Romain Biscan. Elle effectue aujourd'hui d'un retour en force manifeste. Épicée, parfois aromatisée à la cannelle ou aux écorces d'orange, elle constitue un rendez-vous attendu des consommateurs, tout particulièrement en terres alsaciennes.

Elle est, là encore, pour les micro-brasseries, une occasion de se différencier et de maintenir l'intérêt des clients en proposant des recettes innovantes. Un même phénomène se retrouve d'ailleurs à l'occasion de l'autre grande bière saisonnière, celle de printemps (ou « bière de mars »).

Des bières éphémères pour lesquelles les créateurs jouent sur de multiples paramètres pour apporter de nouveaux goûts (vieillissement en fut ayant contenu précédemment du vin, adjonction d'ingrédients originaux...). Porté par sa passion, Romain Biscan fourmille d'ailleurs de nouvelles idées pour ses futurs breuvages collaboratifs. « J'ai vraiment envie que l'on s'inspire de la cuisine, que l'on parvienne à retrouver l'idée d'un plat à travers une bière », explique-t-il. Après la vanille, le cacao ou le café, ce sont donc des légumes qui pourraient faire prochainement leur entrée dans ses étonnantes recettes.

Pour aller à la découverte des bières éphémères...

 

Crédits photos : Fotolia - Jeka84