Désespérément blanc, fade et pâteux, le bol de riz « de notre enfance » évoque rarement des souvenirs gastronomiques. Principal remède des convalescences intestinales, ses vertus médicinales et son absence de goût sont autant d’avantages pour lutter contre le dégoût, mais non pour en faire un sujet de régal.

A la cantine, c’est l’accompagnement incontournable du poisson, dont il partage symboliquement la blancheur. Pourtant, pas question de le laisser napper de sauce au beurre blanc (lui aussi !). « Rouge sur blanc, tout fout le camp », qu’à cela ne tienne ! C’est à grand renfort de ketchup que chacun tentera de colorer, relever, délayer la galaxie des grains de riz gravitant autour du pavé de colin blafard. Même si les conséquences de cet assaisonnement sont imparables : refroidissement immédiat. Manger froid mais manger coloré, tel est ainsi l’enjeu de la dialectique du blanc et du rouge qui se joue dans les assiettes de la cantine.

Manger du riz suppose également une certaine dextérité dans l’utilisation de sa fourchette. Impossible de piquer, il faut au contraire rassembler les grains dans une fourchette devenue cuillère, tout en ayant soin de ne pas les laisser passer par-dessus bord, ou quitter le navire entre les dents de l’instrument. Ludique mais agaçant, le riz : on en met forcément un peu partout, quelques grains aventureux s’arrangent toujours pour s’échapper. Et alors, gare aux coudes sur la table !

Découverte de la diversité des riz

Fort heureusement, l’expérience ne s’arrête pas au blanchi, au bouilli, au précuit. Depuis une dizaine d’années, la quête de l’express et de l’immaculé a d’ailleurs connu une véritable transformation - pour le riz comme pour le pain. La diversité est désormais cultivée comme telle. Dans les épiceries et supermarchés, le choix ne se limite plus à une marque et à un temps de cuisson : origine, variété, couleur, forme, sont autant de critères qui entrent désormais en ligne de compte. Ces différents riz possèdent chacun leurs spécificités culinaires, leurs promesses gustatives et aromatiques, par-delà les arguments nutritionnels souvent mis en avant sur les packaging. Ils se prêtent dès lors à une préparation particulière, qui détermine le type de cuisson, le choix des ustensiles, le dosage de l’eau et sa température.

Les riz longs, qu’ils soient rouges, noirs ou complets, se prêtent particulièrement bien à la cuisson pilaf. Soigneusement imbibés de matière grasse jusqu’à devenir translucides, avant d’être mouillés et couverts jusqu’à absorption, les grains acquièrent un croquant et un parfum caractéristiques, et se détachent parfaitement.

A l’inverse, les riz ronds, très absorbants et riches en amidon, gagneront à être préparés en risotto, c’est-à-dire nacrés dans une matière grasse avant d’être patiemment arrosés de bouillon, cuillère après cuillère, pour développer un crémeux, une onctuosité spécifiques, offrant un merveilleux contraste avec la fermeté des grains à cœur.

Quant aux riz gluants et parfumés, c’est la cuisson à la vapeur qui leur convient le mieux, culturellement et gustativement parlant. Celle-ci concentre les goûts, évite leur dilution dans l’eau, et favorise l’apparition d’une texture encore différente, à la fois compacte et précise.

A partir de ces trois grandes familles de cuisson, qui sont autant d’alternatives gastronomiques à la cuisson à l’eau, chacun pourra être assaisonné, épicé, coloré, combiné à d’autres ingrédients, pour générer une combinaison infinie de bols de riz, propres à nous faire oublier les premiers contacts avec cette céréale, fort injustement ébouillantée par des générations de casseroles et fait-tout !