Les légendes ne manquent pas pour accompagner la création du croissant. C'est donc portée par un imaginaire des plus riches que cette pâtisserie est arrivée jusqu'à nous. Une pâtisserie qui garde son mystère (elle aurait été signalée en réalité en Autriche au moins dès le XIIIe siècle), mais sur laquelle on a toutefois une certitude : c'est bien vers Vienne qu'il faut tourner son regard pour remonter son fil historique, et avec lui celui des viennoiseries.

 

 

La nuit est tombée sur Vienne. La capitale du Saint-Empire romain germanique se trouve en grande difficulté, en cette année 1683 : elle est assiégée par les soldats de l'Empire ottoman. Des soldats qui ont décidé, ce soir-là, de passer à l'action pour prendre la ville. Ils creusent un souterrain pour pénétrer par surprise dans la cité. Une cité où tout le monde dort... sauf les boulangers, en plein travail nocturne. Ils entendent les bruits suspects de l'armée ennemie, donnent l'alerte. Ils sauveront ainsi leur ville. Une pâtisserie en forme de lune sera alors fabriquée pour célébrer l'événement : le Hörnchen, ancêtre du croissant.

Mais l'histoire a sa variante : n'est-ce pas plutôt à un cafetier viennois d'origine polonaise, Kolschitsky, que l'on doit la naissance du croissant ? Pour son courage durant le siège, il aurait reçu, en cette même année 1683, de nombreux sacs de café pris à l'ennemi. Pour écouler la boisson, il eut l'idée de faire fabriquer un nouveau mets... en forme de croissant.

 

Et un Viennois vint à Paris...

On dit que la pâtisserie en forme de lune aurait été introduite en France par la reine Marie-Antoinette d'Autriche, au XVIIIe siècle, favorisant ainsi sa diffusion dans le pays. Là encore, rien n'est moins sûr. C'est plus probablement au XIXe siècle que le croissant a réellement fait son entrée dans l'Hexagone, par l'entremise d'un homme qui va jouer un rôle fondamental dans l'évolution de la boulangerie française : August Zang. Cet ancien officier autrichien ouvre à Paris un magasin au 92 rue de Richelieu en 1838 ou 1839 : la « Boulangerie viennoise ».

 

August Zang   Le succès est au rendez-vous. On ne parle pas encore de « viennoiseries », mais les pâtisseries qu'il vend attirent le tout-Paris. Il y a là le Kipferl, ancêtre du croissant, et le Kaisersemmel, qui deviendra le pain viennois. C'est l'époque où le savoir-faire autrichien et la qualité des mets confectionnés sont unanimement reconnus. A tel point que les productions d'Auguste Zang vont rapidement faire des émules : de nombreuses boulangeries viennoises vont ouvrir.

 

De même, les techniques et ingrédients originaires d'Autriche vont être diffusés parmi les professionnels français. Il en est ainsi de l'utilisation du four à la vapeur, qui permet notamment d'obtenir un « vernis » sur le dessus des pains confectionnés, ou encore du recours à la levure dite « comprimée ».

Les recettes du croissant et du pain viennois (qui était alors de forme ronde et non allongée), dans lesquelles on ajoute du lait à la pâte traditionnelle, sont elles aussi largement reprises.

 

Signature autrichienne et « French touch »

Malgré le succès, August Zang ne va pas rester longtemps à Paris. En 1848, il repart à Vienne, pour vivre de nouvelles aventures, journalistiques cette fois-ci. Il aura réussi le tour de force d'imposer, en une dizaine d'années, ses méthodes à ses homologues français, et ses produits aux consommateurs. Et cela de manière durable : le croissant va devenir au fil des décennies une spécialité française, symbolisant l'Hexagone dans le monde entier.

La « signature » autrichienne restera toutefois présente dans le nom générique « viennoiserie », adopté dans la première moitié du XXe siècle.

 

La « French touch » apparaissant, elle, dans la recette : le beurre et avec lui la pâte feuilletée s'impose dans les croissants au début du XXe siècle.

Croissant feuilleté Pixabay

 

Le pain viennois, pour sa part, intégrera le sucre parmi ses ingrédients et prendra une forme de baguette. Derrière ces produits fondateurs, une ronde des pains suivra, enrichissant la gamme des viennoiseries (pain au chocolat...) afin de coller au plus près aux attentes des consommateurs.

 

 

Où déguster de bons croissants à Paris ?

La boulangerie Les saveurs de Wagram (169, avenue de Wagram, XVIIe arr.) a remporté le prix du meilleur croissant d'Île-de-France au beurre AOP Charentes-Poitou en 2016.
En 2015, la distinction était revenue à la boulangerie 134 RDT (134, rue de Turenne, IIIe arr.).