Les formes des pâtes et leurs noms ne sont pas dus au hasard mais sont bien le reflet de leur histoire et de notre gourmandise. Retour sur l'origine des plus connues d'entre elles.

 

Mais qui a eu l'idée de dessiner les penne ? Ces pâtes en forme de tubes semblent ne rien laisser au hasard. Ni leur longueur, traditionnellement d'environ 5 cm, soit 5 fois leur diamètre. Ni leur forme, longs tubes se terminant par deux extrémités parfaitement biseautés. Pour le savoir, il faut prendre la direction de l'Italie -c'est le lot de nombreuses pâtes-, au nord du pays.

C'est dans la région de Gênes qu'un fabricant les aurait inventées au XIXe siècle, à l'aide d'une machine coupant en diagonale. Tantôt lisses (penne lisce), tantôt striées (penne rigate), elles doivent leur aspect à une libre inspiration des plumes qui permettaient, jadis, d'écrire à l'encre (penne signifie en italien plume au sens de stylo). Pourquoi avoir privilégié une telle forme ? Tout simplement pour permettre aux amateurs de pâtes de consommer leur plat avec une sauce riche en ingrédients (légumes, morceaux de viande...), les aliments les plus gros pouvant se loger au creux du tuyau, les plus fins étant retenus par les rainures des penne rigate.

Comme les penne, toutes les stars des pâtes ont leur petite histoire. Et, là aussi comme les penne, on y retrouve souvent la même recette : un soupçon d'Italie, une pointe de tradition populaire... Et une pincée de praticité.

Cette dernière a d'ailleurs toute son importance : les formes des pâtes ont bien souvent été étudiées pour permettre l'accompagnement de tel ou tel type de sauce. Un sujet des plus sérieux, en témoigne les travaux qu'a menés le physicien Davide Cassi. S'intéressant à leur surface de façon scientifique, il en a déduit que les pâtes caverneuses tels les macaronis étaient idéales pour piéger des sauces complexes, d'autres types de pâtes capturant les sauces par « adhésion », grâce à une surface rugueuse pas toujours visible à l’œil nu.

Des lasagnes bouillies chez les Romains

Une plongée dans l'histoire des pâtes alimentaires se révèle également précieuse pour mieux comprendre leurs formes et leurs noms. Beaucoup d'hypothèses ont été établies quant à l'origine de la première pâte. On a même convoqué les divinités, en l'occurrence Héphaïstos, dieu grec du feu, de la forge et des volcans, présenté comme leur inventeur originel. D'aucuns ont voulu voir, quelques siècles plus tard, en Marco Polo, le premier « passeur » de pâtes de l'Asie vers l'Italie. Rien n'est moins sûr. Car elles étaient déjà présentes dans la botte à la fin du XIIIe siècle, au moment du retour de l'explorateur. Inventées par les Sumériens, l'ancêtre des pâtes s'est en effet imposé dans différentes civilisations, et notamment, dès l'Antiquité, chez les Romains. Ces derniers consommaient ainsi des lazanas. Bouillies sous forme de lasagnes, ces feuilles de pâte étaient alors cuites sur le feu (lasanum étant la marmite dans laquelle elles étaient justement bouillies). L'Italie allait par ailleurs voir converger vers elle au fil des siècles de nombreux savoir-faire, et notamment les pâtes en lanières de type linguine, originaires de la Perse préislamique.          

 

Plat de lasagnes

 

La technique des pâtes sèches sera pour sa part apportée par les Arabes. L'Italie s'en saisira. De petit format, composées majoritairement de semoule de blé dur (celui des Pouilles fait la réputation des pâtes napolitaines), elles prendront progressivement le nom de vermicelli (vermicelle) et ce jusqu'au XVIIIe siècle. Ses fabricants seront alors nommés vermicelliers.

Raves, ravioles et ravioleuses

Au fil de cette histoire apparaissent progressivement des noms et des formes qui sont venus jusqu'à nous. Avec, pour épicentre, l'Italie, qui s'impose à la tête du mouvement de développement des pâtes. La demande croissante va y favoriser l'innovation dans les processus de fabrication et l'industrialisation progressive de la production. Ce sera tout particulièrement le cas au XIXe siècle, notamment dans la région de Naples. Une industrialisation qui va permettre jusqu'à nos jours la naissance d'une multitude de type de pâtes, pour séduire toujours plus de consommateurs. Une diversité qui est aussi régionale : chaque parcelle de la botte a inscrit dans son patrimoine un type de pâtes et des recettes. La division de l'Italie en plusieurs États jusqu'à la seconde partie du XIXe siècle explique pour partie cette variété des cultures culinaires. Les pâtes peuvent ainsi être séchées en forme de nid dans la région de Bologne quand elles le sont en forme de 8 dans la région de Gênes.

Mais l'Italie n'a pas le monopole de la création de nouvelles pâtes. La France cultive également une inventivité certaine en la matière. La raviole en est un bon exemple. Elle est le fruit d'une riche histoire. Elle a pour origine les rissoles, petits carrés frits farcis confectionnés à travers l'Europe dès l'Antiquité. Au XIIIe siècle, elles prennent le nom de « raviole », en lien avec la rave qui remplace la farce de viande durant le Carême. Le sud-est français va conserver cette tradition culinaire. Elle va devenir, au XIXe siècle, une spécialité du Dauphiné et plus précisément de Romans. C'est alors, dans cette région, un plat de fête confectionné notamment par des spécialistes, les « ravioleuses ». Ce petit carré de pâte de farine de blé tendre garni d'une farce (fromage frais de vache, emmental ou comté, œufs frais et persil revenu dans du beurre) a même obtenu une reconnaissance officielle, devenant une indication géographique protégée.

 

ravioles du Dauphine - Adobe Stock

 

Ficelles, papillons et aiguilles à tricoter

Parmi la multitude de variétés offertes au regard et au palais des consommateurs, certaines vont s'imposer comme des standards. Et on retrouve là aussi une création hexagonale, véritable star des repas pour enfants : la coquillette. Mise au point par l'industrie agroalimentaire au XIXe siècle, elle va s'imposer rapidement comme l'une des pâtes préférées des Français. Sa forme, sa taille, et même son nom : tout concourt à son succès auprès des plus jeunes ! Les plus grands ne la boudent pas pour autant, tant elle a, pour nombre d'entre eux, un irrésistible parfum d'enfance. Même les grands chefs s'intéressent à elle, tel Jean-François Piège, créateur d'un risotto de coquillette au jambon.

Plat de coquillettes

 

Autres stars incontournables : les spaghettis, issus quant à eux de l'Italie du sud, dont le nom vient de spago, qui signifie « ficelle », et dont la forme est déjà évoquée sous le terme vermicelli au XIIe siècle. Ou encore les macaronis dont les ancêtres siciliens, les cataneselle (originaires de la ville de Catane), s'imposèrent du temps de la domination arabe de l'île (IXe – XIe siècles). Pourquoi ces pâtes étaient-elles creuses en leur centre ? Tout simplement parce que cela permettait de les sécher plus vite. Citons également les farfalle (littéralement « papillon » en français), autre « best seller ». On trouve son origine dans une ancienne variété confectionnée en Emilie-Romagne, réalisée en serrant le centre d'un carré de pâte aplati. Ou encore les fusilli, dont la forme est née dans le sud de l'Italie autour d'une idée pour le moins originale : entourer les spaghetti sur une aiguille à tricoter.

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