Dans le calendrier républicain mis en place au moment de la Révolution française et adopté entre 1792 et 1806 (ainsi que, plus tard, durant la Commune de Paris), Germinal est le mois du renouveau.

Situé entre le 21 mars et le 19 avril, il correspond à l'arrivée du printemps, période de germination, de retour en force de la nature. Après Ventôse et ses vents glacés, et avant Floréal, le temps des fleurs, il symbolise au mieux ce cycle immuable de la nature, qui s'impose à l'homme, en même temps qu'il organise sa vie. Dans la France rurale d'alors, il est aussi le temps de l'espoir, du développement visible des germes, des grains de céréales qui, quelques mois plus tard, seront récoltés.

Germinal. C'est ce nom qu’Émile Zola a donné, en 1885, à l'un de ses romans dédié à la classe ouvrière. Un titre qui est, confie l'auteur, comme « un coup de soleil qui éclaire toute l’œuvre ». Il sera aussi, pour lui, le point de départ d'une métaphore qu'il va filer tout au long de l'ouvrage et qui a pour principal point d'appui le développement des champs de blé.

Au sein de la vaste fresque des Rougon-Macquart, Germinal est avant tout l'histoire d'une prise de conscience. Celle des mineurs du Nord, d'une société souterraine opprimée dont l'écrivain décrit le quotidien de misère. Sous l'impulsion d'Etienne Lantier, le personnage principal qui arrive dans les sombres plaines du Nord pour chercher un emploi, les travailleurs vont comprendre qu'ils ont la possibilité d'influer sur leur destin personnel à travers une lutte émancipatrice. La grève menée dans ce roman sera un échec. Mais pour l'auteur, le germe du refus de leur condition sera désormais ancré dans l'esprit des mineurs, et rien ne pourra désormais arrêter le vent du changement libérateur que l'Histoire attend.

Pour décrire cette société qui apparaît comme un rouleau compresseur, ces hommes pleins de vigueur appelés à mener le combat, Émile Zola convoque la nature en éveil, et plus particulièrement les champs de blé naissants. C'est à travers eux qu'il décrit ce mouvement irréversible, bouillonnant, en montrant toute la force du cycle végétatif. Les mineurs et les végétaux ne font plus qu'un, et doivent sortir de terre pour vivre leur épanouissement : « A présent, le mineur s’éveillait au fond, germait dans la terre ainsi qu’une vraie graine ; et l’on verrait un matin ce qu’il pousserait au beau milieu des champs : oui, il pousserait des hommes, une armée d’hommes qui rétabliraient la justice. »

Germinal correspond donc à la naissance d'un nouveau peuple qui ne courbera plus l'échine, qui prendra la parole et, ce faisant, pourra évoluer et faire sortir les générations futures de la misère qui est sienne. Émile Zola met toute sa puissance épique au service de la cause qu'il défend. La dernière page du roman est, en cela, une sorte d'apothéose. Étienne Lantier repart du Nord, pour vivre à Paris, décidé à aider les ouvriers à s'émanciper, convaincu des succès à venir. La métaphore céréalière est omniprésente, vibrante. « De toutes parts, des graines se gonflaient, s'allongeaient, gerçaient la plaine, travaillées d'un besoin de chaleur et de lumière », écrit-il, concluant finalement : « Des hommes poussaient, une armée noire, vengeresse, qui germait lentement dans les sillons, grandissant pour les récoltes du siècle futur, et dont la germination allait faire bientôt éclater la terre. »

Fin observateur de ses contemporains, Émile Zola a été le meilleur des porte-voix pour ces mineurs engagés, en cette fin de XIXe siècle, dans de nombreux conflits sociaux. L'auteur ira d'ailleurs sur le terrain fin février 1884, alors qu'éclate l'une de ces grèves à Anzin (Nord). Les ouvriers ne s'y sont pas trompés, ayant pleinement conscience du combat social que menait l'auteur à travers sa plume. Rien d'étonnant alors que, lors des obsèques de Zola, en 1902, la délégation des mineurs de Denain (Nord) accompagne le cortège dans les rues de Paris au cri de « Germinal ! Germinal ! »