Dès le lendemain de l’incendie de la cathédrale de Notre-Dame, la boulangerie de la Halle au Blé d'Alençon a mis en vente 300 brioches. Les frais récoltés iront au profit du chef d'œuvre endommagé. Le lien entre les métiers de la boulange, les travaux agricoles et les cathédrales françaises est séculaire. Il se transcrit dans des gestes généreux, s’incarne dans l’architecture des bâtiments et de leurs décors. Les vitraux parisiens rescapés du feu parlent, eux aussi, du semis, des moissons ou encore des récoltes. Et pendant que les médaillons en verre se refont une nouvelle jeunesse, suivons leur récit, de la graine jusqu’au festin de fin d’année.


“C’est l’épi le plus dur qui soit jamais monté vers un ciel de clémence”
Ainsi décrit Charles Peguy la cathédrale de Chartres vue de sa route de pèlerin. Mais la cathédrale chartraine n’est pas la seule à être entourée de champs. La culture céréalière en Ile-de-France est une tradition moyenâgeuse. Pour rappeler que la capitale est également couronnée de terres agricoles, les Champs-Elysées avaient accueillis, il y a près de trente ans, la "Grande Moisson", se transformant à l’occasion en champ de blé. Depuis déjà plusieurs années et ce, chaque mois de mai, le parvis de la vieille dame de pierre accueille des animations liées à la fête du pain. Et sa rosace ouest raconte les travaux qui mènent des semailles au festin de Noël.
 
 
La moisson
Notre-Dame de Paris, riche de quelques 1 000 mètres carrés de vitraux dont les plus anciens datent du XIIIème siècle, est ornée de trois rosaces. Celle de l’ouest est la plus petite, avec ses 10 mètres de diamètre. C’est sur ses 48 médaillons que l’on trouve le récit précis des travaux agricoles dont les bâtisseurs étaient certainement témoins. Les corporations offrant ces décorations aimaient faire immortaliser leurs métiers sur les murs des cathédrales. Mais les scènes de la mort et de la renaissance de la graine sont bien sûr également remplies d’un sens symbolique.
 
Le Lion, signe solaire du mois d'août arrive de paire avec le moissonneur. Avec sa faucille le jeune homme coupe les épis de blé lourds et dorés. On remarque au passage que les tiges sont bien plus hautes que celles d'aujourd'hui. Effectivement, de nos jours, au moins deux variétés sur trois du catalogue officiel des blés français portent le gène du nanisme. C’est le résultat de croisements dont le but était précisément le raccourcissement des tiges qui devenaient ainsi moins vulnérables aux vents et autres intempéries. De plus, pas de chevaux dans les champs, quelle utilité pour autant de paille ?

Le battage et les semailles

Le signe de la Vierge est accompagné d’un homme qui effectue sur son aire le battage au fléau. L’instrument agricole, disparu de nos champs depuis la fin du XIXème, se composait d'un long manche et d’un battant, les deux en bois dur et reliés par des lanières en cuir. Le jeune homme torse nu bat les épis étendus sur l’air, à ras le sol, séparant le grain de la paille. Le labeur est manifestement très dur et le soleil de septembre est encore très haut, le jeune homme n’est presque pas couvert. Ses jambes et son torse sont nus, il a chaud. 
C’est la fin des travaux dans les champs. On reverra encore les quelques tiges dorées sur le médaillon d’octobre, mais de loin. Les paysans sont déjà passés aux vendanges.
 
Avec le signe du Scorpion, le jeune homme revient vers la terre. C’est le temps des semailles. Cette fois il est habillé chaudement, le semeur des vitraux porte des chaussures, sa tête est couverte, les manches longues et les bas le protègent du froid de novembre. D’un geste gracieux il disperse les graines pour que l’année suivante elles renaissent et les travaux recommencent.

Le pain sur la table de Noël

La boucle est bouclée ! Il reste le festin de fin d’année en décembre, avec le signe du capricorne. Le pain, fruit des labeurs, est présent sur la table, à côté d’autres denrées. C’est pour en arriver là qu’il a fallu travailler dur toute l’année. Vous pouvez maintenant vous reposer et profiter, nous dit la rosace, et le tour des médaillons est terminé.
 
Lors de l’incendie, leur destin a été suivi par des millions de gens de toute la planète : céderont-ils, ne céderont-ils pas aux flammes ? Le verre s’est finalement avéré bien résistant au feu, les images merveilleuses racontent toujours le cycle de la vie. Les vitraux qui attendaient depuis longtemps des travaux de restauration seront démontés, nettoyés, restaurés et reposés à leurs places pour briller de nouveau, dans quelques années !