Au Japon, des céréaliers jouent sur les couleurs des feuilles des variétés de riz pour créer de véritables œuvres d'art végétales dans leurs champs. Une manière pour eux d'apporter une touche artistique à leur travail, mais aussi de redynamiser certaines zones rurales.

Des pandas et des dinosaures, la déesse marine Mazu et Napoléon Bonaparte, des reproductions de La Joconde, de Léonard de Vinci et des Glaneuses de Jean-François Millet... A travers l'Asie, du Japon à la Chine, de Taïwan à la Corée du Sud, de vastes dessins végétaux sont apparus ces dernières décennies dans les champs. Rouge, blanc, vert clair, marron... C'est grâce aux différentes couleurs des feuilles des variétés de riz et à leur bonne répartition dans le champ que ces esquisses ont pu voir le jour.

C'est avant tout au Japon que cette pratique nommée « tambo art » (ou art des rizières) s'est développée au cœur des espaces céréaliers, après y être née au début des années 90. Tout commence dans le village d'Inakadate, au nord du pays. Face au vieillissement de sa population, la collectivité cherche à retrouver du souffle, consciente d'avoir perdu de sa vitalité d'antan. A partir de 1993, les habitants et les autorités locales décident donc d'organiser une animation autour de ce qu'ils savent le mieux faire : la culture du riz. Visites, démonstrations, portes-ouvertes lors de la mise en terre et de la récolte... L'opération est un succès.

Elle va progressivement s'enrichir d'une nouvelle initiative : la création, chaque année, d'un tableau végétal dans un champ.

 

La rizière, vecteur de dynamisme des zones rurales

Une nouvelle forme de land art qui va connaître un succès croissant. De quoi permettre à la région de retrouver un dynamisme économique, porté par le tourisme : chaque année, plusieurs centaines de milliers de personnes font le déplacement pour admirer les dessins de plus en plus perfectionnés (intégration d'effets de perspective...) qui sont réalisés dans la rizière.

« Plusieurs raisons expliquent la création de cet art, indique Nagisa Minowa qui, avec son mari Tomohito, cultive du riz et pratique le tambo art à Sammu, au Japon. Il y a notamment la volonté d'attirer davantage de personnes dans sa région, de participer à sa revitalisation, confirme-t-elle. Nous sommes confrontés au Japon à un défi social : la population diminue et cela peut avoir des implications sur le plan économique, tout particulièrement dans les zones rurales. Le tambo art peut permettre de créer un site unique à visiter. »

Vecteur de dynamisme pour certains territoires, la création artistique dans les rizières est également une façon, pour une nouvelle génération d'agriculteurs japonais, de pratiquer autrement leur métier. « Elle permet d'apporter du plaisir dans son travail, poursuit Nagisa Minowa. Mon mari a décidé de se lancer dans le tambo art en estimant que cela lui permettrait de pratiquer une forme d'agriculture unique ! Il fait partie d'une jeune génération qui trouve de la joie et du potentiel dans la riziculture. »

 

Une fresque végétale en Camargue

« On trouve parmi les personnes pratiquant le tambo art des agriculteurs qui souhaitent agir de manière alternative, avec une importante fibre artistique », confirme Françoise Léger. La directrice artistique du Centre national des arts de la rue Le Citron jaune connaît bien ce mouvement créatif. C'est en effet elle qui l'a importé en France, à l'occasion de l'événement Marseille-Provence, capitale européenne de la culture. Une fresque végétale représentant un taureau et une petite fille a ainsi vu le jour en Camargue en 2013.

 

 

« Des riziculteurs japonais sont venus pour nous aider à mettre en place le système de marquage au sol », indique Françoise Léger. Un système de marquage indispensable pour faire du champ un véritable canevas et répartir ainsi au mieux les couleurs du futur dessin végétal. Nagisa Minowa et son mari ont justement fait partie de cette équipe chargée de guider les participants. Spectateurs et bénévoles sont venus en nombre au cœur de la rizière lors de deux temps forts : le repiquage à la main (*) au printemps et la moisson collective à l'entrée de l'automne. Une façon pour eux de partir à la rencontre d'un art nouveau. Et une manière originale de découvrir au plus près le cycle végétatif et cultural d'une céréale très appréciée des consommateurs français.

(*) Le repiquage était pratiqué en Camargue jusque dans les années 60, avant que le semis ne s'impose.

En savoir plus : Une vidéo de présentation du Tambo Art par Le Citron Jaune