Les mondes antiques sont régis par de nombreux dieux qui n’hésitent pas à se jouer des hommes sur terre.

 

En Egypte, presque chaque élément constituant et entourant la vie des individus est dominé par une entité divine dont il est important de s’approprier les faveurs. Ce phénomène existe dans toutes les cultures marquées par une empreinte religieuse forte.

Le génie de la crue du Nil (Hâpy)

En présentant l’Egypte comme un « don du Nil », l’auteur grec Hérodote offre une très belle synthèse pour présenter l’origine de cette civilisation. Cela résume le rôle fondateur et primordial du fleuve dans la vie des anciens Egyptiens. Les habitants de ses rives ont vite compris la place prépondérante de ce dernier, et que leur survie était associée à ses bienfaits. Comme en Mésopotamie, le fleuve a en effet permis la naissance de l’agriculture, mais contrairement au Tigre et à l’Euphrate, le Nil possède un cycle annuel de crues très marqué. Pendant quatre mois, ces crues recouvraient l’ensemble des terres cultivables, fournissant à son retrait une terre limoneuse d’une fertilité exceptionnelle pour la culture, notamment celle de l’orge. Les anciens Egyptiens ont donc légitimement toujours cherché à s’attacher les faveurs des génies associés au fleuve. Parmi les multiples divinités composant le panthéon, le dieu Hâpy (ci-contre) est l’image même de la crue et permet par son culte de s’assurer de tous les bienfaits apportés par le limon. La crue conditionnant littéralement la vie du pays, il est ainsi l’objet d’un culte constant et populaire.

Les dieux sont omniprésents, associés à des environnements ou à l’origine des composantes du monde. Certains textes rédigés au cours des époques plus récentes de l’histoire égyptienne nous content comment les dieux dispensent leurs faveurs, et particulièrement Osiris qui aurait créé les céréales pour les hommes. Dieu majeur, régnant sur le royaume des morts et premier souverain de l’Egypte, son culte est devenu au fil du temps essentiel dans la vie de chacun. Il apparaît réellement comme un des mythes fondateurs de la pensée égyptienne puisque c’est pour lui, selon la tradition, qu’a été introduit le processus de momification permettant le retour à la vie dans l’Au-Delà.

La crue, permettant la remise en exploitation des terres, est pour les Egyptiens une image du cycle de résurrection. Sans elle, pas de culture et pas de survie du pays. Ainsi, très naturellement, les dévotions à Osiris ont été associées à la fertilité des terres, fonctionnant aussi par cycles. Concrètement, son culte faisait l’objet de grandes festivités au mois dit de Khoiak, correspondant au quatrième et dernier mois de l’inondation. Ces fêtes célébraient le retour à la vie du dieu Osiris, et l’apport de la fertile couche limoneuse indispensable à toute vie agricole. Des figurines du dieu, composées de grains mélangés à du limon fertile, attestaient par germination la poursuite de la vie après la mort.

Papyrus Jumilhac représentant une figurine d'Osiris "végétant"

Le musée du Louvre conserve sur un de ces papyrus, le papyrus Jumilhac (non présenté au public en raison de sa grande fragilité, ci-contre) une représentation très explicite de ces Osiris dits végétants.

Des statuettes de ce type, également modelées à partir de limon et le plus souvent de grains d’orge, étaient déposées dans les tombes des particuliers les plus aisés comme symbole d’immortalité. Arrosées, ces figurines germaient en quelques jours. Le symbole de la renaissance du dieu devait assurer la protection accordée à la momie fraichement déposée. Le musée du Louvre conserve des moules servant à produire ces figurines « mises en culture » (ci-dessous).

Moule servant à la production de statuettes d'Osiris

Associés directement à la germination de grain ou non, les milliers d’ex-voto du dieu mis au jour dans les sites archéologiques et toujours conservés dans les musées témoignent de la popularité du culte osiriaque. Toutefois, les Egyptiens vénéraient d’autres dieux liés aux céréales, avec une ferveur variant suivant les lieux et les époques. Parmi le riche panthéon de dieux ou de génies, Nepri est par exemple l’incarnation même du grain. Représenté sous des traits anthropomorphes, il se distingue le plus souvent par les épis ou des grains de blé qui l’accompagnent. Les protections des récoltes étaient quant à elles assurées par la déesse Renetoutet. Sous les traits d’un serpent ou d’une femme serpent, elle est parfois représentée allaitant Nepri. Son culte était en toute logique fêté le premier jour des moissons où des épis tressés lui étaient offerts.

Ces deux divinités sont considérées comme majeures, car les plus fréquemment citées dans les textes, mais d’autres génies ont veillé, parfois plus localement ou dans des temps plus limités, à la qualité des récoltes pendant les 3 000 ans de l’histoire de l’ancienne civilisation égyptienne.

 

Cet article est un épisode issus d'un parcours de visite au musée du Louvre, qui permet de poser un autre regard sur les céréales et les produits céréaliers et d’en découvrir la dimension symbolique et sacrée à l’époque pharaonique.

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