Dans l'univers des céréales, la vérité n'est pas toujours là où on l'attend. Leur histoire recèle en effet de nombreuses surprises inattendues... et l'imaginaire qui les entoure peut parfois nous jouer des tours.

Le Japon, empire du riz ?

Pour s'en persuader, prenons la direction du Japon. Qu'évoque ce pays, tant sur un plan agricole que culinaire ? Des étendues rizicoles viennent rapidement en tête ; étendues qu'on imagine inscrites profondément dans l'histoire du pays depuis des millénaires. Le Japon, empire du riz ? Erreur : à l'échelle du développement des activités humaines, l'arrivée de la céréale est fort récente. L'archipel ne soutient pas, sur ce plan, la comparaison avec d'autres géants asiatiques, tels l'Inde ou la Chine. La culture du riz est attestée en 7000 avant J.-C. dans la vallée du Gange, et même à 8000 ans avant J.-C. en Chine. Dans le centre et le sud de cette même Chine, le riz va alors jouer durant plusieurs millénaires un rôle prééminent dans l'alimentation et plus largement dans le devenir de la société. Le Japon, lui, reste une civilisation où la chasse, la cueillette et la pêche dominent. Quant aux rizières, elles ne débuteront leur conquête des terres de l'archipel qu'au IIIe siècle avant J.-C, consacrant, enfin, l'essor de l'agriculture dans le pays.

Les rois du sorgho

Poursuivons notre tour du monde céréalier, et prenons la direction du continent où les récoltes de sorgho sont les plus importantes. On serait alors tenté de mettre le cap vers l'Afrique, souvent associée à cette culture dans l'imaginaire collectif... Erreur, là aussi : c'est en fait en Amérique qu'il faut se rendre. Car, si elle est bien originaire d'Afrique, la plante s'est progressivement diffusée sur les autres continents et a connu une forte croissance outre-Atlantique. Aujourd'hui, les États-Unis sont les premiers producteurs mondiaux (11 millions de tonnes en 2014) suivis du Mexique (8,4 millions de tonnes) et du Soudan (7,3 millions de tonnes).

Aux origines du sarrasin

Au rayon des idées-fausses, les céréales comptent également en leur sein un certain nombre de... faux-amis. Penchons-nous un instant sur le mot « sarrasin ». Il semble nous désigner l'origine géographique de ces plants arrivés en France entre le XIIIe et le XVe siècle. Au Moyen Âge, ce même terme, « sarrasin », désigne en effet les musulmans. Pourtant, si ces grains sont bien arrivés jusqu'à nous au rythme des déplacements de populations et des conflits, ce n'est pas de cet Orient-ci qu'ils proviennent. Ce sont plus directement les redoutables cavaliers mongols venus d'Asie, envahisseurs de l'Europe centrale, qui auraient apporté avec eux, au XIIIe siècle, leur blé noir.

Les racines du hamburger

Même piège d'ordre géographique pour le hamburger et ses célèbres petits pains ronds (les buns), aujourd'hui à la mode dans les restaurants. « Une invention américaine », pourrez-vous parfois entendre avec certitude. En réalité, le hamburger est une histoire... allemande. A la fin du XIXe siècle, les immigrants qui quittent leur pays pour l'Amérique depuis le port de Hambourg emportent avec eux un sandwich typique, le « steak de Hambourg », le hamburger steak, composé d'un steak haché et de deux morceaux de pain. Il ralliera avec eux les États-Unis (il est d'ailleurs servi sur les bateaux assurant la liaison maritime) où il connaîtra un nouveau souffle au XXe siècle, plusieurs chaînes de restauration rapide décidant d'en faire leur produit star.

L'invention du pain quotidien

Terminons par une passion française : le pain. Sa consommation, tous les jours, par les habitants de l'Hexagone, est souvent perçue à l'étranger comme un trait distinctif de la culture de notre pays. Pour autant, ce « pain quotidien » n'est pas une invention française. C'est à Rome, dans l'Antiquité, qu'une telle habitude est prise pour la première fois. En témoigne le nombre important de boulangeries que comptait alors la ville : sous le règne d'Auguste (27 av. J.-C. - 14 apr. J.-C.), on n’en dénombrait pas moins de 329.