La mode est aux gâteaux revisités... Du Paris-Brest de Philippe Conticini, à l’Ispahan de Pierre Hermé, en passant par les biscuits secs de François Perret, derrière les pâtisseries d’aujourd’hui les amateurs aux becs sucrés reprennent  souvent les recettes des temps passés.

Pour en avoir le cœur net, rien de mieux que de feuilleter Le Ventre de Paris d’Emile Zola. En comparant sa liste des pâtisseries avec la nôtre, on réalise que l’héritage du 19ème siècle n’est pas perdu.

Qui mieux qu’Emile Zola connaissait le commerce des Halles de Paris  au point que  son écriture égale un réel travail d’historien ? L’écrivain qui a connu dans sa vie des jours difficiles - on le sait n’avoir vécu pendant plusieurs semaines que de pain trempé dans de l’huile d’olive - savait décrire les gâteaux si désirés avec le regard d’un homme qui a faim. Observateur avisé des repas des pauvres, il fréquentait également les salons bourgeois pour relater ensuite fidèlement les plats qui y étaient présentés.

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"Des galettes, des tartes aux cerises, des croquets, des biscuits de maïs, épais et jaunes" : chacun de ces gâteaux que les personnages de Zola vendent à la criée, existent encore de nos jours. Seuls les présentoirs ont changé : on ne trouvera plus ces pâtisseries très simplement exposées sur les claies, paniers d’osier de forme oblongue.

Par contre, la tendance actuelle à surveiller sa ligne a porté un coup dur aux pâtés en croûte. A l’époque de Zola l’offre était certainement plus variée qu’aujourd’hui...

Et quand les héros du roman de Zola grimpent dans l’échelle sociale, ils changent de marchandises se mettant au commerce des échaudés. C’était une bonne idée, souligne l’auteur, - les échaudés, gâteaux simples, distribués gratuitement aux plus pauvres à l’époque du Moyen Âge, étaient aimés des parisiens et partaient…. comme des petits pains.

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"La plus belle boulangerie de Paris"

A part ces biscuits, gâteaux et pâtisseries disponibles pour quelques sous, de vrais gâteaux de pâtissiers s'exhibaient dans les vitrines des boulangeries.  Grâce au roman de Zola, on trouve, rue Turbigo, "la boulangerie Taboureau, où toute une vitrine était réservée à la pâtisserie". "Les gâteaux aux amandes, les saint-honoré, les savarins, les flans, les tartes aux fruits, les assiettes de babas, d’éclairs, de choux à la crème", ou encore "les bocaux pleins de gâteaux secs, de macarons et de madeleines" nous attirent autant aujourd’hui qu’ils attiraient les acheteurs au 19ème  siècle. "La plus belle boulangerie de Paris", comme l’appelle l’auteur, n’existe plus, mais son assortiment perdure.

Par contre, la tendance actuelle à surveiller sa ligne a porté un coup dur aux pâtés en croûte. A l’époque de Zola l’offre était certainement plus variée qu’aujourd’hui : le pâté de foie, de lièvre, à la chair à saucisses et bien d’autres jusqu’au pâté de saumon qu’on pouvait faire cuire à la demande, il suffisait d’apporter son poisson. Pour les petits budgets, des pâtés existaient aussi, même si ce n’étaient que des "croûtes", de pâles copies des plats bourgeois. Parmi eux, "des plats de petites limandes jaunes et roidies, sous leur couche trop épaisse de pâte" proposés dans l’échoppe du "friteur", métier d’ailleurs disparu d’un cuisinier spécialement chargé des fritures.

Et à part les gâteaux, il y a bien sûr le pain, omniprésent, qu’il soit sec et dur dans les casse-croûtes des travailleurs portants les sacs de farines sur leurs dos, ou blanc et moelleux accompagnant les repas des propriétaires de boutiques.

Quant au marchand d’herbes cuites, il vendait des pâtés d’épinards et de chicorée qu’on voudrait bien goûter aujourd’hui. Ils "s’arrondissaient dans des terrines, se terminaient en pointe, coupés, derrière, par de petites pelles, dont on ne voyait que le manche de métal blanc". Cette attention que l’écrivain porte à la manière de servir et de présenter les plats, nous donne l’occasion unique de nous sentir participer  aux repas du 19ème siècle ou d’entrer dans des commerces de bouche. Les pâtés, par exemple, souligne-t-il, ont été vendu tout chauds, "portant les petits drapeaux de leurs étiquettes"; et on le visualise comme si on y était. Quant aux petits pains au beurre qui accompagnaient les verres de punch, on les servait chauds "près des théières, dans une corbeille", habitude plutôt disparue.

"Une bonne odeur du pain chaud"

Le même sens du détail propre à Zola nous permet d’entrouvrir la porte de la cuisine bourgeoise et de voir comment les produits céréaliers étaient utilisés par les ménages. "Au-dessus du fourneau, plus haut que les écumoires, les cuillers, les fourchettes à longs manches, dans une rangée de tiroirs numérotés, s’alignaient les chapelures, la fine et la grosse, les mies de pain pour paner", écrit-il.

Et à part les gâteaux, il y a bien sûr le pain, omniprésent, qu’il soit sec et dur dans les casse-croûtes des travailleurs portants les sacs de farines sur leurs dos, ou blanc et moelleux accompagnant les repas des propriétaires de boutiques. Ce pain commence son existence dans le quartier dont le roman de Zola porte le nom, dans le Ventre de Paris et, plus précisément, dans la Halle au blé. Il est prêt pour le  consommateur dès quatre heure du matin, quand "les boulangers et les marchands de vin ôtaient leurs volets ; les boutiques rouges, avec leurs becs de gaz allumés, trouaient les ténèbres, le long des maisons grises" et que la boulangerie, rue Montorgueil "toute pleine et toute dorée de la dernière cuisson" faisait sentir aux personnages du roman  "une bonne odeur du pain chaud". Nous, lecteurs, la sentons encore d’ici.