L'univers du comédien Marc Fayet est ampli d'évocations gourmandes et de souvenirs d'enfance. Les pâtisseries y sont omniprésentes.

Il évoque avec délice « les meilleurs pains au chocolat du monde », ceux qu'il a « mangés dans [son] enfance ». Il se souvient, aussi, de cette odeur, si agréable, qui emplissait la maison d'une aïeule, où il allait, tout jeune, chercher de petits biscuits ronds parfumés à la noix de coco. Et décrit dans la foulée ces goûters ou ces desserts tout simples mais tellement savoureux : « Du pain et du beurre, du pain et de la confiture, du pain et du chocolat ».

A l'occasion d'un Voyage dans l'imaginaire des céréales organisé à Marseille, mi-novembre, par Passion Céréales, l'homme de théâtre a invité les participants à une plongée collective dans leur jeunesse, à la recherche de leurs racines culinaires.

De racines, il en a d'ailleurs été question tout au long de cette soirée. Celles évoquées par Marc Fayet, portées par « les grands-mères », personnages clés de la transmission, qui ont une réelle « influence sur la formation de notre goût ». Celles décrites également par Emmanuel Perrodin. Le chef a mis en évidence lors de son intervention toute la richesse et la complexité de nos origines, qui peuvent se lire à travers la gastronomie. « J'aime la cuisine car elle m'a permis de comprendre les liens qui se sont créés au travers de confrontations, de rencontres... » Marseille la cosmopolite en est assurément un bel exemple. En voyageant dans le temps, il devient ainsi possible, à travers la culture culinaire, de comprendre les rencontres, les dialogues, les échanges qui ont fait la ville et d'où elle tire, aujourd'hui, ses racines. « Manger, c'est manger de l'Histoire, du symbole », souligne-t-il.

Et dans cette construction, les céréales ont joué, et jouent encore aujourd'hui, un rôle de premier plan. Le sociologue Jean Viard l'a évoqué. « Lorsqu'on parle de nourriture et notamment de céréales, vient l'idée de la transmission, indique-t-il. Car ce qu'on mange est acte de culture. (...) Nous avons besoin de sens aujourd'hui, de savoir pourquoi on mange tel produit, pourquoi on le partage. » Dans un monde globalisé, apparaît à ses yeux la nécessité de « construire du local » et de donner de l'identité. « Le monde paysan y participe », assure-t-il. Pour autant, s'empresse-t-il de rajouter, cette recherche des racines, ce lien avec l'Histoire ne doivent pas aller de pair avec un repli sur soi. « Les traditions doivent s'allier avec un monde de demain dont il ne faut pas avoir peur ».

Derrière le riz, des chevaux et des taureaux
A son échelle, la filière rizicole a montré sa capacité à concilier respect des traditions et regard vers l'avenir. Parce qu'elle est, tout d'abord, présente dès la fin du Moyen-Age dans les terres camarguaises, et implantée de manière beaucoup plus structurée à partir du XIXe siècle. Ce delta a alors été « dompté », explique Bertrand Mazel, président du syndicat des riziculteurs français. « Sans la main de l'homme, ce serait aujourd'hui un désert salé ». Depuis, des générations de riziculteurs se sont succédé, ancrant cette culture dans le patrimoine local. Des racines qu'il a fait siennes. Arrivé de Paris à 18 ans, il explique que « ce pays [l]'a capté. Et cela fait 35 ans que je suis là. » La Camargue, pays de tradition, donc, mais également pays d'innovation, « capable de répondre aux goûts des consommateurs », assure Bertrand Mazel. En témoigne les multiples variétés de riz qu'ont développées les producteurs au fil des ans pour maintenir leur compétitivité sur le marché.

Si elles s'intègrent pleinement dans le récit collectif de la Camargue, les rizières s'inscrivent également dans l'histoire individuelle de nombre d'habitants de la région. Leur offrant, au passage, des images fortes ancrées dans leur mémoire. C'est le cas de Mireille Peirano, vice-présidente du Conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur. L'élue a ouvert de grands yeux lorsque, enfant, elle a découvert pour la première fois que la Chine n'avait pas le monopole des rizières et que la précieuse céréale était aussi cultivée dans le secteur des Saintes-Maries-de-la-mer. Du haut de ses 10 ans, elle pensait qu'un producteur de riz avait forcément un « chapeau pointu ». Cet imaginaire a fait place à un autre, qui ne l'a pas quitté depuis. « Chaque fois que je mange une assiette de riz, je pense aux gardians, aux chevaux, aux taureaux, à cette belle terre de Camargue. »

 

Le blé dur, « une plante qu'il faut protéger »

Les racines de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur se trouve donc, notamment, dans les champs de céréales et la production de leurs débouchés alimentaires. Des générations ont ainsi participé à la culture et la valorisation du riz mais aussi du blé dur. C'est cette dernière filière que Jean-Victor Bregliano a rejoint au début des années 80. Il devait choisir sa voie. Une visite de la semoulerie de Bellevue (Panzani) l'a alors convaincu. Il a intégré la structure, dont il assure aujourd'hui la direction. Et ne tarit pas d'éloge sur son métier « de passion », sur cette semoulerie, riche « en odeurs, en bruits, en couleurs » mais aussi et surtout sur cette plante, le blé dur, « qui est rare et précieuse à la fois ».

« C'est l'une des cultures les plus techniques », lui répond en écho Nicolas de Sambucy, agriculteur et délégué régional Passion Céréales. Lui aussi se dit profondément attaché à la production de blé dur et conscient de son exigence. « C'est une plante qu'il faut protéger, nourrir, entretenir durant neuf mois », explique-t-il. Une attention de chaque instant nécessaire pour que les consommateurs puissent déguster pâtes et semoule, que les promeneurs continuent de s'émerveiller de la beauté des champs de blé. Et pour que demeure toujours bien vivante cette petite part du patrimoine provençal.