C'est un échange des plus savoureux. Entre le chef de l'Assiette Champenoise Arnaud Lallement et le petit épeautre, c'est peu dire que le courant passe.

« Mon petit épeautre, je lui donne de l'émotion, de l'amour, de la gourmandise », confie-t-il. En retour, « cette céréale me fait rêver », assure-t-il. Et le plaisir exprimé par Arnaud Lallement vaut aussi pour ses clients, qui peuvent déguster un plat à base de petit épeautre dans son restaurant. « On peut le manger de toutes les façons, du moment où on lui donne de l'amour [en cuisine] » .

Que nous dit le chef, à travers cette déclaration d'amour ? Tout simplement que les céréales sont vecteurs d'émotions pour qui veut bien porter sur elles son attention. C'est d'ailleurs le message qu'ont fait passer, fin novembre, les intervenants du Voyage dans l'imaginaire des céréales organisé à Reims par Passion Céréales : ces plantes sont là pour « titiller » notre sensibilité.

Aux côtés d'Arnaud Lallement intervenait notamment Grégory Duchatel. Animateur sur France Bleu Champagne, il a expliqué, lui aussi, que les céréales et les productions alimentaires qui en sont issues ne le laissaient pas indifférent. « J'ai un faible pour les biscuits roses, concède-t-il. Et un faible aussi pour les carolo », délicieux gâteaux des Ardennes. L'homme de radio en a profité pour souligner combien les sens pouvaient être mis en éveil par ces produits céréaliers. L'ouïe, notamment. « Le pain doit chanter, c'est signe qu'il est bon ! », a-t-il assuré.

Le goût, également. Évoquant son attachement fort au pain d'épice, Catherine Coutant, conseillère municipale de Reims, a rappelé ces mots du chef Bernard Loiseau : « Le pain d'épice est un chef-d’œuvre. Sucré, il vous rend la vie belle et douce ». Elle a dans le même temps évoqué ce « goût chaleureux qui rassure », qui rappelle, aussi, « de bons moments ». Et cette « odeur qui nous ramène à nos 10 ans ». C'est donc un véritable voyage, entre souvenirs et émotions, que lui offre ce pain qui compte parmi les spécialités culinaires de Reims.

Les narines dans la brioche
Le biscuit rose en est une autre. Et lui aussi possède une forte puissance évocatrice pour les Rémois, tant il symbolise leur territoire et leur rappelle, souvent, des moments forts de leur propre vie. « Il a marqué les esprits et l'histoire », résume Charles-Antoine de Fougeroux, directeur général de la biscuiterie Fossier. Un produit prisé, « symbole de partage et des moments de convivialité », qui est tout particulièrement cher au cœur de ceux qui le fabriquent au quotidien, « des hommes et des femmes qui sont tous des passionnés. »

Il se cacherait donc, derrière les céréales, tout un univers sensible. Anne Parizot en est elle aussi persuadée. La sémiologue assure d'ailleurs qu'elles disposent d'un « espace figuratif très dense ». Pour preuve, les mots qui accompagnent le secteur et, par exemple, le métier du boulanger, « appellent à une évocation ». Et de citer « pâtonner », « rondiner » ou encore la « grigne »... Les images fleurissent rapidement pour qui pense à l'univers céréalier et à ses mots clés. Et ce sont bien souvent les chemins de l'enfance qui sont empruntés. « Des images, des couleurs, des rituels : les vacances, les cousins, évoque pêle-mêle Anne Parizot. Et des odeurs aussi : qui n'a jamais mis ses narines dans la brioche ? »

 

Champs d'émotions
Les terres où poussent, mois après mois, les céréales, sont un autre espace propice au développement des émotions. Ces champs, Laurence Klein les connaît bien. Championne d'Europe du 100 km, l'athlète champenoise parcourt régulièrement les étendues rurales de sa région afin de se préparer aux compétitions. A raison de 160 km par semaine, elle réalise donc un véritable « voyage à travers un patchwork de couleurs qui [lui] sont chères. » Elle aime voir évoluer, au fur et à mesure qu'avancent ses cycles d'entraînement, les marrons, les verts, les jaunes...

Plaisir assurément partagé par François Prévoteau. Agriculteur et délégué Passion Céréales en Champagne-Ardenne, l'homme se dit « bluffé » lorsqu'il se penche sur la vie de ces champs. « Bluffé » par ce « jaillissement de l'orge qui germe ». « Bluffé » aussi par « l'énergie des céréales ». « Dans des secteurs où les portables ne captent pas, où les trains n'arrivent plus, les céréales sont là et font vivre ces territoires », explique-t-il. C'est avec beaucoup d'émotion qu'il décrit cette « énergie germinative », synonyme pour lui d' « énergie de vie ». Et qu'il lance une invite à ceux qui croiseront demain, sur leur chemin, des céréales : « Il faut voir l'extraordinaire qui est présent dans l'ordinaire ! »