Agricultrice à la retraite installée à Ouzouer-sous-Bellegarde dans le Loiret, Nicole Thillou Fouassier, passionnée d’histoire, anime des conférences autour de la grande guerre.

Issue d’une famille d’agriculteurs, Nicole n’a malheureusement pas pu faire d’études, ses parents ayant besoin d’elle pour travailler sur la ferme. Une déception immense pour elle qui aurait tant aimé travailler dans l’enseignement, la transmission des savoirs la passionnant. Mariée à un agriculteur, elle a travaillé sur leur exploitation pendant plusieurs années avant de commencer à assurer des fonctions à l’extérieur (animation de stages de comptabilité, emploi en insertion professionnelle) et de renouer avec les études en suivant une formation d’écrivain public.

C’est en 2007, lors d’un stage au syndicat de pays à Pithiviers, qu’elle assure sa première conférence sur l’histoire du blé, à l’occasion des Journées du Patrimoine. En 2012, lors du comice agricole, elle raconte l’histoire de sa ferme sur 200 ans en la croisant avec l’évolution agricole de son secteur depuis 1900, dans le cadre d’une animation baptisée « ferme ouverte sur l’histoire ».

En 2014, à l’occasion du bicentenaire de la grande guerre, qu’elle commence à travailler sur cette thématique et à la décliner : le conflit vu par les enfants, le rôle des animaux pendant la guerre, celui des femmes, et enfin celui des paysans.

 

Pouvez-vous nous parler de votre conférence « Le monde paysan dans la tourmente de la grande guerre » ?

J’aborde, par le biais d’une trentaine d’images qui servent de base à mon propos, comment la guerre a bouleversé un monde bien établi : la mobilisation des hommes bien sûr, mais aussi la réquisition des moyens de transports et des animaux (les chevaux pour se déplacer, les vaches et les cochons pour la nourriture), tout cela ayant pour conséquence naturelle la baisse de la production. J’aborde aussi le travail des paysannes, le bilan de la guerre (morts et blessés dans le monde paysan), puis la remise en culture des terres dans les anciennes zones de combat, le retour à la maison des paysans-soldats, les veuves… J’essaie toujours d’adapter mon discours aux gens qui sont présents. Je ne suis pas historienne, j’anime avec ce que je suis et ce que je sais : j’utilise des documents personnels et ce que les gens m’ont raconté.

 

 

D’après vous, comment la grande guerre a-t-elle impacté l’agriculture et façonné ce qu’elle est aujourd’hui ?

 

Le milieu agricole a dû s’adapter. Les femmes notamment, lorsque les hommes sont partis et qu’elles se sont retrouvées seules. À cause du manque de main d’œuvre, certaines ont essayé de simplifier leur travail, en laissant au bétail des parcelles auparavant cultivées, dessinant là les débuts de l’élevage extensif. Le conflit avait par ailleurs permis de brasser des paysans venus de différentes régions. Ces derniers ont profité du temps passé ensemble pour échanger sur leurs modes de production et, à leur retour, nourris de ce qu’ils avaient appris les uns des autres, ont modifié certaines pratiques. Quant aux paysannes veuves, toutes n’ont pu (ou voulu) garder les exploitations : leurs fermes ont été vendues, ce qui a permis aux voisins de s’agrandir. C’est certainement là que les exploitations ont commencé à prendre de l’ampleur.

Enfin, la grande guerre a marqué le début de la mécanisation, développée afin de pallier la pénurie de main d’œuvre. La moissonneuse-lieuse s’est peu à peu substituée à la faux, les premiers tracteurs ont fait leur apparition en Beauce et en Brie.

L’État a pris des mesures en matière de formation, en vue de la modernisation technique des systèmes agricoles (création d’écoles régionales d’agriculture et de fermes modèles). Simultanément, se sont développées des firmes spécialisées dans la sélection des plantes (parmi lesquelles Vilmorin) ou dans la construction de machines agricoles (tracteurs, charrues « brabant » avec reversoir, moissonneuses lieuses et batteuses s’inspirant du mouvement amorcé aux États-Unis, etc.).

Pour stimuler la hausse de la productivité à l’hectare, les agents du ministère de l’Agriculture ont également mis l’accent sur l’usage des engrais. Enfin, des structures ayant pour objet la maîtrise du marché du blé ont vu le jour : l’OIB, Office Interprofessionnel du Blé, sera créé le 15 août 1936 pour faire face à la baisse constante des prix, combinée à la hausse des matières premières utilisées en agriculture. Sa création s’accompagnera de la généralisation des coopératives de collecte et de stockage.

 

Pensez-vous que le secteur agricole saura s’adapter aux défis actuels ?

 

Les paysans ont été envoyés au front pendant la grande guerre car ils étaient résistants, patients, dociles, habitués au froid, à la boue, à l’humidité, parce qu’ils savaient se débrouiller et s’adapter. Les paysans d’aujourd’hui possèdent toujours ces qualités, même si elles ont bien sûr évolué avec le temps. Je ne doute pas qu’ils sauront s’adapter aux nouveaux défis économiques, environnementaux et sociétaux. Cela ne se fera pas sans heurts ni sans difficultés pour eux. Mais cela ne se fera pas non plus sans l’aide de l’État ni la compréhension et le soutien de la société.

 

> Si vous souhaitez en savoir plus ou si êtes intéressé par une conférence, vous pouvez contacter Nicole : nico.tf@orange.fr