Cet article est le 3ème épisode sur les 4 issus d'un parcours de visite au Musée du quai Branly - Jacques Chirac. Il permet, par le prisme de quatre grands thèmes, d'explorer les significations symboliques associées à la production céréalière dans les arts des Amériques, d’Afrique, d’Asie et d’Océanie.

Cette semaine nous vous proposons de découvrir la place des céréales sur le plan économique des civilisations. En effet, outre des valeurs symboliques, les céréales ont parfois tant de valeur pécuniaire, du fait du travail que leur production nécessite, qu’elles accèdent au statut de monnaie d’échange. Un soin tout particulier est donc apporté à leur protection.

 
Au Mali, les Dogons vivent dans la région des falaises de Bandiagara. Cultivant différentes céréales (mil, sorgho, fonio, riz et maïs), les Dogons stockent les récoltes dans des greniers à grains fabriqués en bois, en terre ou en pierre recouverte de torchis, et sommés d'un toit de chaume. Afin d'en protéger l'accès, ils les munissent de serrures sculptées en bois, fixées en partie haute de la porte.
 
Serrure de grenier à céréales - Mali, culture Dogon, fin du XXè siècle (Inv. 73.1964.3.45.1-2)
© musée du quai Branly - Jacques Chirac, distr. RMN-Grand Palais / Patrick Gries / Valérie Torre

 

Outre une fonction mécanique, ces serrures ont un rôle apotropaïque, assuré ici par la présence des deux Nommo, couple primordial de la cosmogonie Dogon, symbole de protection et de fertilité. Par la force magique associée aux Nommo, les greniers sont ainsi inviolables. La serrure peut aussi prendre la fonction d'autel des ancêtres, sur lequel on renverse de la bouillie de mil en offrande.

 
Dans le Japon ancien, le riz, extrêmement valorisé, surtout pour les variétés les plus rares, servait de monnaie de paiement. Autrefois, les paysans cultivaient le riz pour payer l’impôt au pouvoir central : le kanji « impôt » ( 税 ) s'écrit d'ailleurs avec le composant désignant les céréales. À partir de l’ère d’Edo (1603-1868), la riziculture prit son essor et les récoltes devenant plus abondantes, le peuple qui mangeait alors du millet et de l’orge put ajouter un peu de riz à son repas bien qu'il restât un aliment de luxe.
 
Les incendies étaient alors fréquents à Edo (actuelle Tokyo), les habitations étant essentiellement construites en bois pour les structures et papier pour les fenêtres et les cloisons légères. La principale méthode de lutte contre les incendies consistait à abattre les bâtiments entourant les édifices en proie aux flammes afin d'empêcher le feu de se propager. Les shosho hikeshi (pompiers-samouraïs) sont responsables des sites jugés importants par le shogunat (siège du pouvoir effectif) tels que les mausolées, les sanctuaires et les greniers à riz.
Casque de sapeur-pomiere - Japon, fin du XIXè siècle (Inv. 70.2009.12.2)
© musée du quai Branly - Jacques Chirac, distr. RMN-Grand Palais / Michel Urtado / Thierry Ollivier

 

Les samouraïs entourant le shogun étant rémunérés en riz de la plus belle qualité, il fallait en effet absolument protéger les greniers à riz des flammes. En conséquence, chaque grand incendie signifiait une envolée des prix à Edo, les aliments, à commencer par le riz, voyant immédiatement leur valeur augmenter.

 
 
 
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