Résistant à la chaleur, peu gourmand en eau, le sorgho dispose de nombreux atouts face au changement climatique. L'Europe redécouvre aujourd'hui cette céréale et développe sa culture. Comme un nouveau départ pour une plante étroitement attachée au continent africain depuis plusieurs millénaires.

 

Dans certaines régions françaises, de plus en plus de champs se parent à la belle saison de teintes rouges-brunes. Pour les admirer, il faut notamment prendre la direction des campagnes du Sud-Ouest (Gers, Haute-Garonne...), du Centre-Val de Loire (Indre-et-Loire, Indre...), de Nouvelle-Aquitaine ou encore de Rhône-Alpes. De jolies couleurs qui témoignent de l'expansion d'une céréale riche en promesses : le sorgho. Les chiffres officiels confirment la donne : la sole a atteint 84.000 ha en 2019 selon FranceAgriMer, soit une progression de 38 % par rapport à la campagne précédente. Les surfaces cultivées devraient se situer entre 90.000 et 100.000 ha en 2020.

 

champs sorgho cereale brune

 

Le phénomène observé en France se retrouve plus largement à l'échelle de l'Europe, avec notamment des hausses importantes de surfaces en Autriche et Hongrie. Ainsi, le continent redécouvre aujourd'hui les atouts d'une plante cultivée depuis bien longtemps dans d'autres régions du globe. Tout a en effet commencé pour elle voici plusieurs millénaires. Le sorgho pousse alors à l'état sauvage en Afrique de l'Est, dans un climat bien plus humide qu'aujourd'hui. Sa domestication intervient en Ethiopie, avant 3000 av J.-C. Sa culture se développera par la suite en de multiples régions du continent, portée par les vagues migratoires.

 

Les desserts tunisiens et la bière des Grands Lacs

Le sorgho s'est ainsi implanté durablement dans les champs africains. Ce faisant, il a également pris une place importante dans la culture du continent. L'histoire de l'alimentation de nombreux pays va en effet être étroitement liée à cette céréale. La plante est à l'origine de nombreux plats traditionnels autour desquels aiment se réunir les populations. En Tunisie, par exemple, la farine de sorgho permet de confectionner des desserts très appréciés comme le sohleb. Au Nigéria, la céréale est l'un des ingrédients principaux de l'ogi, un porridge fermenté lui aussi particulièrement populaire. Dans la région des Grands Lacs comme au Burkina-Faso, c'est une bière traditionnelle, le dolo, qui est réalisée grâce aux récoltes de sorgho. Une bière qui est tout à la fois une boisson du quotidien et des grandes occasions, attachée à de nombreuses symboliques locales.

 

Femme Africaine fabriquant de la bière de sorgho

 


Un tel développement a permis au sorgho d'être durablement associé à l'Afrique dans l'imaginaire collectif. Pour autant, la plante a largement dépassé les frontières du continent au fil des millénaires. Elle a tout d'abord rallié l'Asie. Une implantation au long cours : en Chine, son alcool est, aujourd'hui encore, particulièrement apprécié. Le Sorgho rouge, film du réalisateur chinois Zhang Yimou, et qui a pour cadre une distillerie, témoigne d'ailleurs de l'existence d'une filière de transformation dans l'Empire du milieu. La culture du sorgho s'est également imposée outre-Atlantique, et tout particulièrement aux Etats-Unis. Le pays est d'ailleurs aujourd'hui le premier producteur mondial (11 millions de tonnes en 2014).

 

Une réponse au changement climatique

En Europe en revanche, la céréale n'a longtemps été cultivée que de manière intermittente, principalement en Italie. C'est d'ailleurs dans ce pays qu'elle a reçu son nom actuel, sorgo, qui signifie « je surgis » en italien, référence à sa croissance rapide. La plante n'est parvenue à s'implanter durablement dans les champs européens, et notamment français, que fort récemment, avec des débouchés majoritairement tournés vers l'alimentation animale.

 

Plante sorgho


Cette nouvelle naissance repose avant tout sur une redécouverte des atouts du sorgho. Des atouts qui apparaissent totalement en phase avec les enjeux actuels. Doté d'un système racinaire très puissant et profond, la céréale a des besoins limités en eau et est peu gourmande en intrants. Elle répond ainsi parfaitement aux attentes environnementales du moment. Particulièrement résistante à la chaleur et à la sécheresse, mais capable également de supporter des sols gorgés d'eau, la plante apparaît également particulièrement adaptée pour relever les défis liés au changement climatique. De quoi faire du sorgho une culture pleine d'avenir. Et le rouge-brun une teinte toujours plus présente dans les espaces céréaliers.

 

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