C'est l'une des grandes figures du monde céréalier au XXe siècle. Du pain de régime au pain concentré en passant par la célèbre biscotte, Charles Heudebert a popularisé avec succès nombre de productions innovantes sorties de ses usines.

 

Un personnage emblématique

C'est un personnage aux multiples facettes. Chef d'entreprise haut en couleur, inventeur passionné par le progrès scientifique, observateur averti de son époque. Dans la première moitié du XXe siècle, Charles Heudebert (1872-1945) va, de découvertes en innovations, laisser une empreinte durable dans l'univers des produits céréaliers.

 

Photographie Charle Hedebert entrepreneur BNF

 

Tout commence dans les années 1890 à Nanterre. Le jeune Charles a une vingtaine d'années. Il rejoint la boulangerie familiale tenue par son père, Charles-Antoine. C'est là qu'il fait ses premières armes et qu'il approfondit sa connaissance de la pâte et du pain. Il réalise, rapidement, un premier coup de maître. Pour limiter les invendus, il a une idée : cuire une seconde fois les pains, proposant ainsi une « biscotte » (venant de l'italien « biscotto », cuit deux fois).

Contrairement à ce que nous rapporte la légende, il n'en est toutefois pas l'inventeur. A Paris, certains boulangers vendaient dès les années 1860 ce produit venu de Belgique et des Pays-Bas. Charles Heudebert n'en démontre pas moins toute son ingéniosité. Il saura, par la suite, faire preuve également d'une grande maîtrise de la communication mais aussi du marketing pour développer la consommation de biscottes en France.

 

Le succès des pains de régime

Dans le même temps, il dévoile un autre talent : sa capacité à capter les tendances de son temps et les nouvelles attentes des consommateurs. Au tournant du siècle, la question de l'hygiène alimentaire s'impose, appuyée par les travaux de scientifiques sur la nutrition.

Charles Heudebert voit qu'un nouveau marché s'apprête à émerger : les pains de régime. Il travaille le sujet et dépose en 1903 un brevet pour un pain à la caséine. Il nomme « pains essentiels » ses premiers produits de régime. Ils ont la forme de baguette « d'un beau jaune doré, friables, fondant pour ainsi dire dans la bouche et d'un goût excellent », selon un médecin, le docteur Vincent, dont les propos nous sont rapportés par la Société d'histoire de Nanterre. Le succès est au rendez-vous et une société de panification, l'Aliment essentiel, voit le jour. Son usine de Nanterre se développera rapidement et d'autres unités seront créées dans les premières décennies du XXe siècle en France mais aussi à l'étranger (Bruxelles, Londres).

 

Biscotte Heudebert

 

Charles Heudebert s'intéresse en parallèle à un autre projet : la création d'un pain concentré capable de se conserver plusieurs années et pouvant être consommé après avoir été trempé dans l'eau. Ce produit est choisi en 1910 par le ministère de la Guerre « pour remplacer le biscuit de troupe jugé fade et indigeste », explique la Société d'histoire de Nanterre  dans l'une de ses publications (bulletin n°11, juin 1991). Le chef d'entreprise en cédera la licence gratuitement à l'Etat durant la Première Guerre mondiale.
 

Du pain aux pâtes

Au sortir du conflit, la marque Heudebert bénéficie d'une grande renommée. Charles Heudebert voit son parcours distingué : il est fait chevalier de la Légion d'honneur. L'entreprise, quant à elle, connaît un développement international, ses produits se vendent jusqu'aux Etats-Unis.

C'est, pour l'entrepreneur, le temps de la diversification. Il multiplie les productions, dans la panification (il lance par exemple le « pain des villes d'eaux », accompagnant ainsi le développement du thermalisme) mais aussi dans de nouveaux secteurs. Des pâtes alimentaires sont par exemple fabriquées à partir de 1932.

 

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Nommées papillons, alphabets ou encore langues d'oiseau, certaines d'entre elles connaissent un grand succès auprès des enfants. Charles Heudebert démontre là, une fois de plus, son sens aigu du marketing. Il perçoit aussi toute l'importance de la communication et multiplie les messages en direction de différents publics. « La société Aliment essentiel dispose d'un service entièrement consacré à la publicité destinée aux médecins », explique ainsi la Société d'histoire de Nanterre.

 

Une politique sociale innovante

Dans le même temps, les effectifs de la société augmentent. En 1935, 1200 employés se rendent quotidiennement dans l'usine de Nanterre. Parmi eux, 800 femmes. Charles Heudebert porte un regard attentif sur leur condition. Il décide de faire construire une pouponnière et une école maternelle. L'établissement est « un modèle du genre » par son architecture (usage des baies vitrées) et ses équipements adaptés aux enfants, précise la Société d'histoire de Nanterre. Les mères peuvent y déposer leurs enfants lorsqu'elles travaillent. Elles ont par ailleurs la possibilité d'allaiter leur bébé dans la journée.

Avec ces initiatives, Charles Heudebert s'affirme comme un entrepreneur social. C'est une image qui restera d'ailleurs de lui après sa mort, en 1945. L'homme passera ainsi à la postérité comme un inventeur prolifique de produits céréaliers, mais aussi comme un chef d'entreprise capable de mettre son sens de l'innovation au service de ses salariés.

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